24 juin, 2013



"La carte n'est pas le territoire"


D'accord, mais ça donne déjà une bonne idée... Quand on sait que cet aphorisme, énoncé par Alfred Korzybski, est considéré comme un jalon important dans le mouvement épistémologique moderne, une critique du système aristotélicien et une analyse de son substrat étiologique et pathologique, et l'émergence d'une méthode non-linéaire, on se dit qu'il ne devait pas souvent se balader en moto, l'Alfred.

(Tiens, vous aussi vous connaissez Wikipédia ?)

Moi, j'aime les cartes routières, c'est beau une carte, c'est un peu abstrait, il y a du constructivisme là-dedans, ou du Mondrian qui aurait perdu sa règle et son équerre..


Dépliez une carte et commencez à rêver : A côté du trait rouge, épais, qui file à travers la plaine, il y a le serpentin jaune, chemin des écoliers à moteur, qui se borde de vert en suivant la vallée de la petite rivière, qui va de Sainte-Beuve-en-Rivière à Ernemont-Boutavent, en passant par Beaubec-La-Rosière, rien que ça on a envie d'y aller.

Parenthèse : Repliez une carte et commencez à vous énerver. D'après Goscinny et Gotlib, on reconnait un mutant à sa capacité à replier une carte routière du premier coup. J'ajouterai qu'on reconnaît un motard à sa capacité à plier une carte routière de façon à laisser son parcours visible et de façon à ce qu'elle rentre dans la pochette supérieure de sa sacoche de réservoir.

Peine perdue, les pochettes supérieures des sacoches de réservoir sont TOUJOURS un poil trop petites pour y laisser entrer une carte routière, fût-elle pliée par un mutant.

Fin de la parenthèse, qui vous a laissé le temps d'aller commander en urgence la collection complète des "Rubrique-à-Brac" des auteurs précités.

Une carte routière, c'est comme un dictionnaire, on la consulte d'abord pour une raison précise puis on se laisse entraîner, dans un dico c'est par les autres mots de la page ou des renvois aux autres définitions, avec une carte ce sont les points remarquables ou les sites historiques que l'on voit du coin de l'oeil à proximité de la route que l'on doit suivre.

Essayez de faire ça avec une carte de GPS, vous n'y arriverez pas, c'est pas fait pour.

" Le GPS n'est pas la carte"

Selon moi, les deux sont complémentaires : Une balade se prépare avec une carte, sur un coin de table, on repère les coins sympas, les routes touristiques, les points de vue et on reporte tout ça dans la boîte grise. Comme ça, on ne se perd plus au coin de la départementale 235 et de la départementale 325, à moins que ce ne soit la départementale 535, ou on n'hésite plus entre la Ville-des-Bois et BoisVille ou La Ville-Forêt.

Je n'exagère pas, près de chez moi il y a plusieurs villages dans un rayon de 20 Km dont les noms se terminent tous en "Ville" et ont pratiquement la même prononciation, à une lettre près. Impossible de faire confiance uniquement à sa mémoire...


L'inverse est également possible : On part au hasard tout en enregistrant son trajet, que l'on reporte ensuite sur une carte, ou que l'on suit sur Google Earth : C'est là qu'on voit que le chemin est passé à côté d'un petit lac sympa ou d'un village intéressant.

Mais le GPS en moto, c'est un non-sens, on ne peut pas passer son temps avec le nez dessus (en voiture non plus d'ailleurs, du moins il me semble) et on ne peut pas entendre la voix suave et néanmoins impersonnelle vous inviter à "Tour - ner àdroite dandeussan cinq - ant'mètres". Alors, faut bricoler un peu, dans un prochain message je vous donnerai quelques astuces pour vous équiper à moindres frais...

En attendant, à l'ancienne, faites-vous un itinéraire avec des cartes, du papier et un crayon, avec un peu de chance vous découvrirez les Indes à l'ouest de l'océan Atlantique.

Comme je le disais à Alfred au bar des 4 Chemins alors qu'on discutait du substrat étiologique de ses histoires de carte et de territoire :

"Le trajet n'est pas la route"

(Je vous laisse réfléchir là-dessus, dans deux heures je ramasse les copies)


09 juin, 2013



l'Oise

Ben non, l'Oise n'est pas un département triste et plat où les champs de betteraves à perte de vue sont seulement jalonnés de fermes délabrées où croupissent des à-peine-humains à côtés desquels Jacquouille La Fripouille ressemble à un prix Nobel de physique (préjugé largement répandu parmi une certaine élite qui n'a jamais passé les limites du périphérique parisien que pour aller se montrer au port de Saint Martin de Ré).

(J'exagère, mais à peine)

Pour vous prouver le contraire, je vous y emmène en balade. Au menu : Forêts, châteaux, vallons et petits villages bien préservés.

Ca, ce sont les plats principaux, comme assaisonnement : Nids de poules, gravillons, ralentisseurs, bref tout ce que l'esprit humain et la force implacable de la nature ont créé pour pimenter le déplacement d'un deux-roues motorisé.

Donc, si vous ne l'avez pas déjà revendue pour vous payer des stages de rattrapage de points de permis, laissez au garage votre CBGZ-YRR(R)-R au profit d'un véhicule plus maniable et mieux suspendu, votre postérieur vous en saura gré.

Pour l'itinéraire numérique, virtuel et assisté par satellite, c'est là :
Pierrefonds (format GDB)
Perrefonds (format GPX)


Pour l'itinéraire manuscrit sur papier assisté par carte routière, patientez un peu, c'est long à écrire !

En attendant le fichier, ci-dessous quelques points de repère :

On commence par Auvers sur Oise, ville célèbre depuis qu'un alcoolique génial s'y est coupé l'oreille, y'a pas de quoi en faire un plat, moi je fais ça à chaque fois que je me rase pourtant mes tableaux ne se vendent pas des millions de dollars. A part le côté "annexe de Montmartre" et ses pièges à touristes, on y trouve aussi des vrais artistes dans des petites galeries et le village mérite quelques minutes de visite.

Un coup d'oeil sur le château et on monte dans le Vexin, région très intéressante sur laquelle je reviendrai un de ces jours. Après quelques détours, on redescend dans la vallée de l'Oise à Boran, un des lieux de villégiature de la fin du 19ème siècle où les Parisiens venaient en train le dimanche respirer le bon air et faire trempette dans de l'eau moins polluée que l'égout à ciel ouvert qu'était la Seine à cette époque. Il en reste une surprenante piscine désaffectée au bord de la rivière (avec toboggan géant et porte-voix en béton pour les maîtres-nageurs) et des bistrots-guinguettes où le populo mange des glaces en regardant les Kékés faire le beau en ski nautique. Ambiance "Front populaire" garantie.

On repart en passant sur ce petit pont à sens unique, ne craignez rien, il n'a pas l'air solide mais ça fait 150 ans qu'il est là, y'a pas de raison qu'il s'écroule au moment où vous passez.

La route se continue en traversant la forêt de Chantilly, là l'ambiance est nettement plus bourgeoise, les grosses demeures se succèdent, on voudrait bien savoir ce qui se cache derrière ces hauts murs impénétrables... Passage au château de Chantilly, si vous avez 5 minutes allez le visiter, la collection de tableaux est magnifique.


Autre ville d'histoire à 10 km de là, Senlis, avec ses rues pavées et ses vieilles demeures, on se croirait au 18ème siècle, et d'ailleurs nombreux sont les films historiques qui ont été tournés ici.

Un petit bout de route à radars et on bifurque vers le château de Raray, dont la transparence s'apprécie encore plus au soleil couchant.

Mais bon, nous on n'est pas couchés, alors on poursuit à travers les plaines puis la forêt de Compiègne, jusqu'au château de Pierrefonds. Drôle de monument historique, qui est au chateau-fort médiéval ce que la Harley V-Rod est à la 750 latérale de l'armée américaine, ça ressemble vaguement mais c'est civilisé et fabriqué avec des techniques modernes. Ceci dit, c'est bien fait et c'est aussi très intéressant à visiter.

Les alentours sont très agréables, vous le constaterez en continuant la route qui serpente au milieu de la campagne, là encore quelques vestiges du passé jalonnent le trajet, voyez le château-fort de Montépilloy, un vrai celui-là, dont il ne reste qu'un morceau de tour, on se demande comment ça tient encore.

Un peu plus loin on arrive à Plailly, si vous voulez retourner à Paris en moins d'une heure vous abandonnez le parcours ici, mais vous allez louper le dessert du menu que je vous ai concocté.

En guise de dessert, donc, une dame blanche, ou plutôt le château de la Reine Blanche, qui a dû être largement utilisé comme rendez-vous galant par les princes de la région... La promenade autour des étangs est très agréable et détendra vos fessiers endoloris par les routes au revêtement douteux.



Ca va mieux ? Alors, on repart ; On rejoint la vallée de l'Oise en passant devant l'Abbaye de Royaumont, là aussi un beau lieu à visiter, mais aussi à fréquenter pour l'intéressante programmation de sa saison musicale.

http://www.royaumont.com/fondation_abbaye/

Si vous avez le temps, faites un crochet par le petit "port" de Noisy sur Oise, sur un ancien bras de la rivière, avant d'arriver sur les villes plus peuplées de la vallée. A Beaumont sur Oise, une curiosité pour les plus de 40 ans, le cinéma Beaumont-Palace et sa façade de style années 50, qui a servi de générique à l'émission "la Dernière Séance" d'Eddy Mitchell entre 1982 et 1998. A noter que le décor intérieur est en harmonie avec la façade, avec ses fauteuils en velours rouge et son grand rideau. L'ambiance aussi est restée au siècle dernier, ici pas d'ados bouffant du pop-corn et discutant au téléphone avec leur copain deux rangées plus bas...


La promenade se termine : On passe à L'Isle-Adam, puis on rejoint Auvers sur Oise par une route offrant un beau point de vue sur l'église peinte par Van Gogh.

En résumé, près de 200 Km, avec les pauses variées et nécessaires, le pique-nique et les visites, comptez une bonne journée pour tout cela.


Pour finir la balade à table : 
   - L'Auberge Ravoux (où Van Gogh a vécu) est hors de la portée de toutes les bourses mais valait le détour il y a quelques années, je ne sais pas si c'est toujours le cas.

Pour des budgets plus raisonnables :
  - Le Palais d'Auvers (en bas du château) est un chinois plutôt correct
  - Le marocain "La Menara" (en face de la gare), les meilleures pastillas de la région !

Un peu plus loin (à peine), sur la route de Pontoise :
  - Crèperie "La Swanalea", cuisine inventive et soignée, d'excellents produits bien mis en valeur

Encore un peu plus loin sur cette même route, mais ça vaut le trajet :
  - Restaurant italien "la Halte de Chaponval", délicieux et accueillant...


Voilà, j'espère que cette balade vous aura permis de changer d'air et de point de vue sur les "bouseux"...