06 novembre, 2013



Souvenirs, souvenirs

Aujourd'hui je viens de faire le compte (c'était facile), ça fait pile-poil quarante ans que la législation française m'a autorisé à me déplacer avec un deux-roues motorisé.

Le Droit estimait que mes quatorze ans tous neufs me conféraient ce privilège, mais pas mes parents, qui jugeaient que mes performances scolaires n'étaient pas à la hauteur de ma passion motocycliste, ne l'entendaient pas de cette oreille.

Pourtant, je l'avais, le feu sacré : Tout avait commencé avec les images Panini, mais moi ce n'était pas le football c'était les motos. Je n'avais pas l'album mais je m'en moquais, je récupérais la moindre photo, le plus petit article, pour coller tout ça dans un cahier (que j'ai toujours !).

Je me rappelle d'une photo qui m'avait marqué, le jeune patron importateur des motos Yamaha qui s'envolait au guidon d'une DT2 sur un arrière-plan de forêt. Je ne me doutais pas que plusieurs années plus tard j'aurai l'honneur de travailler avec ce grand monsieur de la moto qu'était JCO...

Mon livre de chevet était "Toute La Moto" de Pierre Barret et Guido Bettiol, deux piliers de Moto-Journal, j'ai dû le lire des centaines de fois, j'ai tout appris dans ce bouquin, depuis le principe du carburateur à dépression jusqu'au plan du circuit du TT de l'Ile de Man.

Je me souviens que "Le Parisien Libéré" avait organisé un concours consistant à reconnaître des motos d'après la photo d'un détail, j'étais alors capable d'identifier une Kawa Mach3 d'après la forme de son clignotant ou une Honda 750 Four à son voyant de plein phare. La question subsidiaire étant du genre "Trouvez, à 2 unités près, le nombre de fois où apparaît la lettre E dans l'édition du 8 juillet 1954", j'étais loin de gagner le gros lot...

Les stars de ce début des seventies avaient un vrai nom, elles s'appelaient Norton Commando, Kawasaki Big Horn, Aermacchi Ala d'Oro, mais aussi celles qui nous paraissaient plus accessibles, Kreidler Florett, Peugeot Rallye, Gitane Testi.

Ca change des noms de code modernes.



Avouez que "Champion Super Gran Sport", ça a plus de gueule que "CBR-RR", non ?

Après quelques mois de passion par procuration - le mot "Virtuel" n'était pas à la mode à l'époque - j'ai pu enfin poser mon postérieur sur une machine qui n'était certes pas la fougueuse Laverda SFC dont l'incandescence orange illuminait mes rêveries, mais plus modestement un Amigo Honda, porte d'entrée, certes modeste mais réelle, chez le plus grand constructeur de l'époque et premier pas dans le monde du monocylindre 4 temps (mais pas le dernier).

Que devient un rêve quand il se réalise ? Hé bien, presque quarante ans plus tard, je n'ai pas encore eu l'impression d'aller au bout, j'ai toujours envie de rouler sur une moto, moi qui surnommais "Trompe-La-Mort" ce voisin qui avait alors l'âge de mon père et qui filait comme le vent sur une 350 Four carénée.

Je n'imaginais même pas qu'à 40 ans on puisse encore tenir sur une si puissante machine (oui, je sais, ça n'était qu'une 350 Four, n'exagérons rien, mais à 14 ans on manque de réalisme et d'objectivité). J'avais d'ailleurs du mal à imaginer qu'il existe des gens qui puissent être aussi vieux. Et encore moins que je puisse un jour avoir cet âge-là.

J'étais jeune et con à cette époque, je suis toujours con et j'ai beaucoup plus d'années au compteur, beaucoup plus que 40 ans : Le temps ne fait rien à l'affaire, comme disait Brassens, et puis on est toujours le con de quelqu'un.

Que sont devenus ceux qui rêvaient avec moi ? Michel avec sa bleue équipée de la grande selle confort pour emmener les filles, Rémi et sa BB Peugeot récupérée de son grand-père, Alain et son Peugeot Rallye délabré, Pascal qui m'avait appris à passer les vitesses sur son Gitane Testi...

Certains sont perdus de vue, Pascal s'est perdu à jamais avec une 350 RD, Alain n'a toujours pas retrouvé la notion des limites à ne pas dépasser.

Bon, la nostalgie faut pas en abuser, alors je vais aller souffler 54 bougies, l'une d'entre elles est peut-être une BP7ES pour la XT...