03 février, 2014


Essais moto : Comparaison n'est pas raison...



Ces deux derniers week-ends, j'ai eu l'occasion d'essayer deux machines d'une marque concurrente à ma marque préférée. Un diplômé d'une école de commerce aurait appelé ça du "Benchmarking", moi j'appelle ça "Ne pas mourir idiot".

Bien entendu, j'ai signé un pacte avec mon sang par une nuit de pleine lune et donc je n'ai pas le droit de révéler le nom des motos en question, qu'il vous suffise de savoir que la marque en trois initiales fait référence à la Bavière et que les modèles sont destinés au GelandeSport.

La première comporte devant une roue à rayons, au milieu un twin parallèle de 800 cc, au-dessus une selle perchée à une hauteur déraisonnable et derrière un garde-boue dont l'appellation est une hyperbole, voire un adynaton, en tout cas une manifestation d'ironie de la part des concepteurs.

Le tout se propulse à des vitesses appréciables, dans un confort relatif mais accompagné de vibrations qui m'ont fait craindre de retrouver mes ongles de doigts de pieds au fond de mes bottes. On peut dire que le moteur a du caractère, mais dans le sens "caractériel" du terme : J'ai eu plus l'impression d'avoir un twin 500 qui trépigne sur place qu'un bon gros 800 coupleux et rond qui vous pousse gentiment au derrière.

Pas de quoi s'extasier donc, mais quand même une bonne efficacité sur petites routes à condition d'avoir le pied gauche pas fainéant. La tenue de route est celle d'un trail, ça gigote et se tortille mais ça passe quand même. le freinage est correct mais lui aussi sans grandes sensations, même si l'efficacité est là.

L'équipement est pléthorique, du moins dans la version luxueuse du produit, avec ABS, ESP, ESA, et toutes ces petites choses qui font grimper le TTC. Le pare-brise est parfait et multifonctions : Il protège de la pluie et du vent, il renvoie ces derniers sur les mains et il permet de contrôler le fonctionnement des clignotants avant qui adorent se refléter dans icelui.

Toujours dans la série "Peut mieux faire", le compteur est illisible même si il regorge d'informations, pas pratique en ces temps de répres...sécurité routière. Le réservoir sous la selle, outre le fait qu'il empêche de disposer de valises d'une largeur raisonnable, présente l'intéressante particularité de refouler du goulot, et d'asperger soigneusement d'essence la selle et la main de celui qui tient le pistolet.

Pour la baston sur petites routes le dimanche après-midi ou les pistes du Maroc, ça ne doit pas être trop mal, mais pour aller bosser tous les jours dans les embouteillages si vous culminez à moins d'1,80 m ou pour faire Paris-Marseille dans la journée, je ne conseille pas.


Bon, on oublie, ce qui est assez facile, et on passe à la grande soeur de 1200cc, désormais refroidie par eau.


Ouf !


Oh, nom de D... !


P... de B... de M... !


(et toutes ces sortes de choses)


Alors ça, je ne suis pas près d'oublier.


Une fois comprise la façon de s'en servir, j'ai eu l'impression que PERSONNE ne pouvait rouler plus vite que moi.


Sur mon terrain de jeu préféré (voir les épisodes précédents, en particulier Balade en Pays de Bray ), j'ai pu rouler partout 30 à 40 Km/h plus vite que ce que j'imaginais possible. Je ne suis normalement pas un furieux de la poignée de gaz, mais là j'étais gonflé d'un souffle diabolique, j'étais hanté par toutes les succubes motardes sorties droit de l'enfer, le père Lankester Merrin n'aurait pas pu exorciser le démon qui m'habitait.


Bref, ça pousse, ça déménage, ça envoie, c'est du lourd, du costaud.


Et ça tient par terre.

Et ça freine qu'on a l'impression d'avoir un bâton dans la roue avant.


La génération d'avant (refroidie par air/huile) était déjà pas mal, mais alors là...

Bon, il y a des détails énervants, la selle est VRAIMENT trop haute, la béquille centrale n'est VRAIMENT pas pratique, aussi bien à cause de son ergot qui coince le talon quand on chausse un peu plus que du 36 et qu'on se met sur la pointe des pieds en roulant, qu'à cause de ce même ergot qu'il est impossible de trouver à l'arrêt (la béquille latérale n'est pas mieux), les commodos sont VRAIMENT trop compliqués (seul le code-phare est génial). Le compteur n'est pas non plus un modèle de lisibilité, mais de toute façon il faut partir du principe qu'il indique une vitesse égale au double de ce qui est normalement légal et raisonnable, alors...

Autre point à signaler, c'est une bonne nouvelle pour lui mais pas pour nous, l'usine a ré-embauché Herr Friedrich Kloncke, qui avait fini par prendre sa retraite après avoir achevé son oeuvre suprême, la boîte de la K1600 (celle qui a poussé à son apogée le principe du pignon à 2 dents) : Les bruits de boîte et de transmission sont insupportables. Enfin, avec un peu d'imagination, on se croirait à bord d'un V-Twin italien à embrayage à sec, c'est peut-être voulu par le marketing.

Dommage, les Air/Huile étaient exemplaires sur ce point, c'était onctueux comme du Nutella nappé de Chantilly, servi avec une sauce au miel... Là on est plutôt "Cracotte avec des éclats d'amande, saupoudré de gros sel". Ceci dit, ça fait du bruit mais pas d'à-coups, pas comme un six-cylindres cité plus haut.


Ici aussi, équipement avec des initiales partout, les possibilités offertes par la suspension à réglage électrique sont très larges et vraiment sensibles (ce qui n'était pas tout à fait le cas sur la 800). Le phare à LED est...éblouissant, le pare-brise réglable est bien conçu, le confort est excellent, sans grever la tenue de route, du moins dans les situations courantes, pour les grandes courbes de l'autoroute (allemande) au-dessus de 200 Km/h, il faudra sans doute faire des compromis.

Alors, supposons que j'aie un billet de 20 KE qui me brûle la poche, qu'est-ce que je fais ?

Eh bien, je n'hésite pas une seconde.

Je prends six mois de congés sans solde et je pars en vadrouille avec ma moto actuelle.

Parce que, franchement, même si j'ai rigolé durant une journée entière avec cet engin, je ne vois pas à quoi ça peut servir : C'est trop, too much, déraisonnable, insensé. A moins d'avoir 5 permis munis de 12 points chacun, de posséder une bonne étoile qui permette de se prémunir de l'automobiliste oublieux du rétroviseur, d'avoir besoin de faire Brest-Strasbourg une fois par semaine et de disposer d'un compte en banque (suisse) largement dimensionné, je ne me vois pas travailler, partir en vacances ou en week-end avec ça.

Ok, le moteur accepte d'enrouler gentiment, et n'est même pas désagréable à bas régimes, mais la tentation est grande, avec ce tube en caoutchouc noir lové au creux de la main droite qui vous susurre à l'oreille "Tourne-moi, tourne-moi".

Mes chroniques de blog finiront par ressembler au compte-rendu des chronos des manches du TT de l'Ile de Man (pas facile de regarder le paysage qui borde une petite route quand on la parcourt à 180), et ça je n'ai pas envie.

Enfin, il faut avoir connu ça, ça reste quand même une sacrée machine.

Après m'avoir lu, j'espère que vous saurez voir cette moto d'un oeil pragmatique et résister à la tentation.

Non ?

Si ?

Oh M...