15 juin, 2014


Des culottes, des bottes de moto, un blouson de cuir noir avec un aigle sur le dos...

Cette semaine j'ai entendu à la radio une actualité sur une campagne d'information destinée aux conducteurs de deux-roues parisiens, sous la forme d'une lettre déposée sur la selle des motos et scooters.

La lettre relatait l'accident survenu à un jeune homme en scooter qui a été percuté par une voiture, alors qu'il roulait à faible allure et à qui l'équipement adapté et complet (casque, gants, blouson airbag) avait évité de finir ses jours dans une chaise roulante.

D'autres lettres narraient le même genre d'accident, à chaque fois l'équipement du conducteur du deux-roues avait permis de limiter les dégâts corporels.

Bon, jusqu'ici, d'accord, pourquoi pas, c'est vrai qu'il vaut mieux une paire de gants et des vêtements un peu solides pour éviter d'avoir la peau ressemblant à une pizza bitume-gravillons à la moindre gamelle, quant au casque, c'est une évidence.

Encore que, vu le nombre d'accidents relatés qui concernaient des chocs avec des voitures, qui semblaient toutes avoir une part de responsabilité non négligeable dans l'affaire, on se demande si il ne fallait pas aussi placer ces lettres sous les essuies-glaces des zotomobiles parisiennes.

Là où ça se corse et où il faut (une fois de plus) admirer l'esprit d'impartialité et le sens de l'information exhaustive qui animent nombre de frais diplômés des écoles de journalisme et de communication, la suite du sujet radiophonique présentait ce qu'on appelle un radio-trottoir, qui consiste en gros à demander leur avis à des gens pris au hasard au coin de la rue et dont les quelques banalités bafouillées sont immédiatement mises en onde pour diffuser la voix du peuple et du bon sens.

Il s'agit donc d'énoncer comme une vérité absolue un sondage effectué parmi un échantillon représentatif de trois personnes.

Nantie de sa longue expérience motocycliste (Boulevard Saint-Michel - Nation derrière son petit copain de l'époque en Mobylette un jour de grève du métro), une brave ménagère de moins de cinquante ans a donc clamé à la face du monde et aux oreilles des auditeurs du service public qu'elle approuvait chaudement cette campagne en ajoutant qu'elle allait illico montrer cette lettre à son adolescent boutonneux pour le dissuader de vouloir affirmer son indépendance au guidon d'un engin motorisé à deux roues.

Affirmation péremptoire et sans conteste : "C'est cause de moult tracas, il convient donc qu'il n'en aie point"

Bravo, ma grande, c'est aussi au nom de ce grand principe que tu l'amènes à l'école en voiture plutôt que de lui apprendre à regarder à droite et à gauche avant de traverser l'unique passage piéton jalonnant les trois cents mètres séparant le giron familial du groupe scolaire.

C'est aussi au nom de ce principe que pour ses quatorze ans, il n'aura pas un scooter mais un ordinateur avec lequel il pourra, depuis le cocon sécuritaire de sa chambre, surfer sur des sites néo-nazis, regarder des films pornos ou insulter ses petits camarades sur fesse-book, bien planqué derrière un anonymat rassurant.

Au nom de ce principe, la maman du premier gosse qui s'est brûlé avec le feu allumé par son pithécanthrope de mari aurait dû interdire à ce dernier de renouveler l'expérience au nom de la sécurité de sa progéniture.

Comment ne pas s'étonner que, à notre époque opaque, on exalte ce genre de mentalité en interdisant tout ce qui peut troubler le bien-être des être humains ?

Je roule en moto car je sais que je suis VULNERABLE : Le prix à payer peut être élevé, mais la volonté de maîtriser son destin et d'être responsable de soi-même est ce qui a, de tout temps, fait avancer la civilisation et différencié l'Homo Sapiens de la larve du concombre de mer.

(Vous qui passez le bac philo demain, vous pouvez me citer, mais je ne suis pas certain de faire partie des grands penseurs humanistes agréés par la Fédération Française des Correcteurs de Copie)

Bien entendu, ça ne me plait pas du tout d'être bousculé par un abruti qui conduit tout en répondant à ses mails, mais je ne pense pas que l'interdiction de se servir du téléphone au volant va bouleverser l'évolution alors que je suis persuadé que Mozart ou Pierre Curie n'auraient pas eu la même influence sur le monde si leur mère leur avait interdit de sortir au risque d'attraper un rhume.

(d'autant qu'il est notoire que Pierre Curie fut écrasé par un fiacre que le cocher conduisait tout en répondant à ses mails sur son smartphone)

Bon, fini de râler, un peu de culture maintenant :

L'anecdote du pithécanthrope est une réminiscence d'un excellent bouquin sur la préhistoire, très drôle et très instructif à la fois : "Pourquoi j'ai mangé mon père" de Roy Lewis

Ensuite, on ne peut évoquer "l'Homme à la Moto" chanté par Edith Piaf sans parler de la version de la chanteuse Juliette, fille spirituelle (dans les deux sens du terme) de Bobby Lapointe et de Magali Noël (inoubliable interprète des chansons de Boris Vian). Ca se trouve sur Ioutioube ou des Lits Mochion, cherchez un peu...


Ceci dit, même en moto, sortez (bien) couverts ! !