11 septembre, 2016


MT07 Tracer, la petite soeur

Bien que se situant dans la série MT, Mr Yamaha a oublié qu'il avait un côté obscur et a délaissé l'image de Darth Vador pour proposer sa déclinaison "Tourisme" de son bicylindre de 700 cm3.

En effet, la MT07 se montre plus volontiers en train d'effectuer le parcours de maniabilité pour le permis qu'un concours de stunt , à qui reste le plus longtemps avec la plus grande différence d'altitude entre la roue avant et la roue arrière, idée associée d'habitude à sa grande soeur la MT09.

C'est d'ailleurs la grande difficulté dans les familles comme dans le monde de la moto que de naître après son ainée, et la moindre allusion à l'une implique immédiatement une comparaison avec l'autre.

La version Tracer ne déroge pas à la règle, et je n'ai pas pu m'empêcher de penser à son exubérante soeur à 3 cylindres au moment d'enfourcher le petit twin de 700 cm3. Bien qu'encensée de nombreux commentaires dythirambiques, j'ai voulu vérifier par moi-même, me disant que, de toutes façons, cette moto était faite pour moi comme des chaussons de danse conviennent à un bûcheron.

La suite des évènements allait me donner tort, même si les premières impressions ne furent pas très positives.

D'abord, au moment de poser mon auguste postérieur sur la selle, j'avoue avoir pensé à une expression célèbre parlant d'un batracien très laid juché sur une boîte contenant des buchettes en bois destinées à allumer un feu, impression justifiée par le gabarit réduit de la machine et mon profil de déménageur de pianos.

Ensuite il a fallu poser les mains sur le guidon, ce qui se fait très naturellement mais impose de poser aussi le regard sur les commodos, ce qui se fait moins naturellement, surtout si on envisage de poser un chèque sur le bureau du concessionnaire. Ces commandes sont certainement adaptées au maniement par des mains graciles d'adolescente recevant en cadeau un scooter pour ses bonnes notes au collège, mais pas à un gros poilu équipé de gants d'hiver et ayant actionné avec ses mains calleuses les boutons équipant depuis 50 ans de nombreuses motos anglaises, italiennes, allemandes, espagnoles et même (et surtout) japonaises.

Après avoir connu les faux-contacts britanniques, les courts-circuits ibères, les illogismes teutons et les défaillances transalpines, je n'imaginais pas voir une production japonaise du 21ème siècle s'affubler de pareils excroissances. Bon, ça marche, c'est fonctionnel et c'est un détail, mais c'est un peu dommage de voir ça sur une moto, fut-elle de milieu de gamme.

Passons sur les commodos, et utilisons-les pour démarrer.

Aie, deuxième désillusion : Qui m'a piqué le bicylindre de 700 cc pour le remplacer par un moteur de scooter 125 ? Au ralenti, c'est un peu désolant ; Le bruit, certes très discret, n'est vraiment pas valorisant, voire franchement triste. On est loin des symphonies JoeBarTeamesques, même si il faut maintenant faire profil bas quand on roule à deux-roues pour limiter la croissance exponentielle de l'arsenal répressif et sécuritaire.

(Ce que n'ont pas compris les ahuris qui animaient, à grand coups de burns et autres ruptures, la grande place de la ville près de chez moi, un samedi après-midi au milieu des passants)

Bon, passons aussi sur l'impression sonore. Première, là, pas de surprise sur une Yamaha, c'est ferme, un peu bruyant, mais rien de bien gênant.

On tourne la poignée, et instantanément toutes les récriminations éructées précédemment par un esprit aigri et hostile disparaissent, c'est rigolo ce machin-là.

La moto est facile, sans esbrouffe mais agile et volontaire, le twin répond plutôt bien, gentiment en-dessous de 4000 tours puis de plus en plus généreusement, et en profite pour distiller un son plus sympathique. Au fur et à mesure de l'utilisation, cette moto se montre vraiment bonne à tout faire, pas exceptionnelle, mais digne de succéder à une machine un peu boudée de la marque aux trois diapasons, la XJ6. Cette moto-là était aussi une moto très polyvalente, pas chiante en ville, confortable et suffisamment rapide sur route, pas gourmande et bien foutue.

La MT07-Tracer est du même tonneau, avec un peu plus de vivacité, là ou la XJ demandait à tirer un peu dedans, la MT part mieux et atteint même facilement des vitesses que la morale réprouve. A ces allures, la position est confortable, le pare-brise réglable soulage grandement vos épaules et vos oreilles de par son absence de turbulences, et la tenue de route est un régal : La suspension est ferme, ce qui nuit un peu au confort, mais elle assure en toutes circonstances de garder le châssis, la roue avant, la roue arrière et l'axe longitudinal de la route sur la même ligne.

Sur les petites routes du Vexin, on arrive presque à s'autoriser quelques c...nneries qui n'auraient pas été compatibles avec l'état de la chaussée, ça secoue, ça rebondit mais on reste là ou il faut sans aller visiter le champ de betteraves adjacent.

Aidées par le faible poids de la machine et l'excellent étagement de la boîte de vitesses, les accélérations sont remarquables et on n'hésite pas à doubler dans des circonstances où une XJ6 serait restée prudemment derrière la file de camions.

Ceci dit, cette moto n'est pas pour autant un pousse-au-crime, on peut aussi rouler sans risquer ses points de permis : Puisqu'on a tendance à la comparer à sa grande soeur, il ne faut pas dire que la MT07 est une 09 qui n'en fait pas assez, mais plutôt que la 09 est une 07 qui en fait trop.

Vous l'aurez compris, l'engin est assez enthousiasmant, mais cet éloge doit quand même être un peu nuancé par quelques remarques liées au côté pratique.

D'abord le confort ; Si on oublie cet aspect lors des arsouilles sur les petites routes, au bout d'une centaine de kilomètres de nids-de-poule, de ralentisseurs, de raccords de bitume et autres irrégularités de la chaussée, on a le postérieur qui demande grâce. Plus que la selle un peu dure, ce sont les suspensions raides qui provoquent cet inconfort : A moins d'avoir des grands débattements, une cinématique élaborée ou des éléments amortisseurs très performants (voire les trois à la fois comme sur un gros trail d'outre-Rhin bien connu), il n'est pas facile d'avoir en même temps un grand confort et une tenue de route irréprochable, surtout si on veut garder un prix raisonnable à la machine.

Corollaire au confort du conducteur, celui du (de la) passager(e) : A moins que l'élu(e) de votre coeur ou votre compagnon de route ne soit très épris(e) ou masochiste, le duo n'est pas recommandé : La selle est encore plus inconfortable qu'aux places avant et les poignées de maintien sont vraiment mal placées.

A noter que, en poursuivant le petit jeu des comparaisons, la frangine n'est pas beaucoup mieux lotie sur ces deux derniers sujets. Point positif, la position des reposes-pieds, pas trop typée sport, permet quand même à un conducteur de grande taille (et de souplesse limitée) de ne pas trop souffrir d'avoir les jambes repliées.


La conduite de nuit n'est pas non plus à l'avantage de la 700, mais, sans valoir les fabuleux phares LED de la 850, l'éclairage est très correct, et les ingénieurs ont eu l'intelligence de placer l'optique du "code" du côté droit, au moins on continue à distinguer le bord de la route quand on doit couper le plein phare.

Dernière comparaison, le petit twin (tout est relatif, au moment de mes premiers émois motocyclistes, une moto de 700 cm3 était une grosse machine, la Norton Commando affolait la populace en ne délivrant pas plus de 60 CV), a tendance à se montrer un peu plus gourmand que le trois-pattes : Pour des sensations supérieures et un temps de trajet inférieur, la MT09 se contentera d'un quart de litre de SP95 de moins que la 07, forcément plus sollicitée. Rien de bien méchant cependant, la dernière-née de chez Yamaha engloutit 5,5 litres de combustible pour effectuer 100 Km de routes variées à une allure pas toujours raisonnable, malgré une indication au tableau de bord un peu plus pessimiste.

Enfin, puisque c'est quand même le but de mes essais, quid de son aptitude au voyage ?

La MT07 Tracer, telle qu'elle est, est très plaisante mais n'est certes pas la meilleure moto pour bouffer du kilomètre ; Cependant, grâce à un tarif réduit qui autorise de se payer quelques extras, certains accessoires devraient la rendre plus adaptée : Une selle refaite, une bagagerie arrière (top-case, porte-bagages) permettant au passager d'être plus à l'aise et des valises dignes de ce nom (oubliez les valises semi-rigides, c'est une hérésie à la contenance ridicule et l'étanchéité douteuse) seront les piliers de base de cette personnalisation. On ajoute un pare-brise haut (il était monté sur ma moto d'essai, malgré son esthétique discutable c'est un excellent investissement) et on arrive à peu près au prix de la MT09 toute nue.

Ou bien on attend le modèle "Ténéré", promis pour le printemps 2017 ?