22 janvier, 2017

Hommage

J'avais décidé de ne plus me miner le moral et de ne plus faire de rubriques nécrologiques dans ce blog, mais l'année passée a été trop lourde pour ne pas consacrer quelques lignes d'hommage à ceux qui m'ont quitté, ça me fait du bien, peut-être que ça peut aussi aider ceux qui se battent contre la connerie et les autres maladies mortelles.

En vrac, je citerai donc David Bowie, Gégé (Gérard Anthony), les spectateurs du feu d'artifice de Nice, ma frangine, Prince, Cheval (Alain Chevallier), Marcel Gotlib, Claude Lambert et puis je vais m'arrêter là, ça devient morose...

Vous avez tous eu de l'importance dans ma vie, je pense à vous, et dans ce blog je vais continuer à parler de moto, parce que c'était la passion de quelques-uns d'entre vous, et de balades et de voyages en espérant que ce ne seront pas les derniers pour ceux qui restent.

21 janvier, 2017


Mes motos (3)  - BMWR90S

( si vous avez loupé le début, allez lire l'épisode 1 et l'épisode 2 )

Quand j'étais petit (ou plutôt "plus jeune", car je disposais déjà d'un gabarit considérable), je découpais les photos de motos dans tous les journaux qui me tombaient sous la main, ce qui était facile car le deux-roues à moteur était passé du statut de monstre pétaradant semant la terreur dans toute la région au phénomène de mode grandissant et donc médiatisé, et Marlon Brando roulant à tombeau ouvert sur sa T6 accompagné de son équipée sauvage avait été remplacé dans l'esprit du français moyen par Brigitte Bardot, cheveux au vent sur une AT125 avec sa bande de copains sur les routes de Saint-Tropez.

A l'époque mes parents lisaient chaque jour un quotidien (ben oui) dont le nom évoquait l'habitant de la capitale d'un pays européen de langue française, même que ces années-là un qualificatif lui était adjoint, évoquant ce qui lui était arrivé le 25 Août 1944. Le journal existe toujours, sans le qualificatif et, de populaire, est devenu populiste...

L'un des rédacteurs devait être féru de motocyclisme, car il ne se passait pas une semaine sans que j'exerce mes talents de découpage, récupérant avec passion des photos dont la résolution typographique de 40X40 pixels me permettait quand même de rêver, comme quoi l'imagination peut suppléer à tout.

C'est ainsi qu'un beau jour de 1973, l'organe de presse pré-cité a affiché sur une demi-page une photo qui m'a mis sur le c.. et qui m'a fait dire "Quand je serai grand, j'en aurai une"

Le journal annonçait la présentation au salon de Paris de la BMW R90S.

(J'ai conservé la photo de l'époque, voir en tête de cet article !)

Durant des années, ce souvenir ne m'a pas quitté, jusqu'au jour où on m'a proposé une "Silver Smoke" de 1975 dans son jus, en échange d'un prix modique et de la promesse de continuer à donner de ses nouvelles à son ancien propriétaire.

Bien que, en 1973, cette moto voulait se donner une image "Hyper-Sport", le fait de monter deux carburateurs Dell'Orto en lieu et place des Bing n'avait quand même pas donné les ailes de Pégase au percheron Bavarois. Cependant, les 900cc assuraient un couple respectable qui, associé au poids raisonnable et au châssis rigoureux, permettait d'atteindre des vitesses honorables et de les tenir presque indéfiniment. On était plutôt derrière les bicylindres Italiens ou Anglais, mais dès que le trajet dépassait les 200 kilomètres, on était à peu près certain d'arriver à bon port.

C'était malheureusement la fin des usines britanniques et leurs produits souffraient d'une piètre qualité, due surtout à un désintérêt des constructeurs, et les nombreuses marques italiennes s'accordaient toutes pour n'offrir qu'un minimum de rigueur de fabrication. Les Japonais dominaient le lot question fiabilité et proposaient des produits attractifs et valorisants, et seule en Europe l'industrie germanique résistait aux puissantes firmes de l'empire du soleil levant.

La BMW en général, et la R90S en particulier, représentait donc en ces périodes de Giscardisme la seule alternative non japonaise pour les "Roule-Toujours" et à ce titre elle figurait à la place d'honneur dans mon Panthéon motocycliste.

Je n'ai pas été déçu, loin de là, car la machine a répondu à mes attentes. Moi aussi j'avais trouvé ma voie, fi du gros mono, le twin pour voyager c'était quand même autre chose.

Comme je l'ai dit, la machine était dans son jus, mais l'un des précédents propriétaires avait eu des velléités compétitives et avait demandé quelques aménagements à Claude Lambert, grand monsieur "sorcier" du side-car en général et des BM en particulier, qui sévissait dans le midi et faisait le bonheur des amateurs de course de côte en mal de performances (Pour en savoir plus, lisez donc cet article sur ce drôle de bonhomme )
 
La moto avait donc subi la greffe d'un cadre de R100-7, lui-même amélioré par le remplacement de la boucle arrière boulonnée par une vraie boucle en vrai tube costaud, soudée sur le cadre. Cette petite chirurgie s'est avérée très utile, que ce soit pour la rigueur de la tenue de route à des vitesses inavouables que pour assurer la solidité de l'ensemble une fois la moto chargée avec conducteur, passagère, armes et bagages. Avantage de l'opération, l'arbre de transmission a bénéficié d'un amortisseur, nouveauté des motos de la "Série 7" et qui a limité fortement les à-coups au passage des vitesses en attendant que je m'habitue à l'embrayage monodisque.

Autre greffe improbable, une fourche de Ducati trônait à l'avant, munie de freins Brembo largement plus efficaces que les ATE, mais là il y a eu rejet, l'aspect historique l'a emporté sur l'efficacité et j'ai remis la fourche d'origine. Tant pis pour le freinage, mais tant mieux pour la beauté de la chose.


La machine n'avait pas besoin de beaucoup d'accessoires pour être prête à sillonner les routes d'Europe : Deux valises, une sacoche de réservoir et zou, c'est parti, à la rigueur une paire de manchons pour l'hiver ; Pas besoin de plus d'équipement, à l'époque ma vue était assez bonne pour lire les cartes tout en roulant (de toute façon, en ces années de Miterrandisme déclinant, le GPS était réservé à l'armée étazunienne).

Le confort était excellent, la position de conduite parfaite et les kilomètres pouvaient défiler sans fatigue.Le moteur se contentait d'un peu (au début...) de super, bien que plombé, et d'une quantité d'huile non négligeable mais disponible dans n'importe quelle boutique du coin de la rue, puisque la boîte séparée et l'embrayage à sec permettaient de remplir le carter moteur avec autre chose que de l'huile spéciale moto.

Pour bien faire les choses, une vidange moteur tous les 5000 km et un remplacement des toutes les huiles  (moteur, boîte, cardan) et filtres tous les 10000 m'ont permis de conserver un moteur en bonne forme, et c'est une procédure que j'applique à toutes mes machines, la tranquillité vaut bien quelques litres d'huile.

Au chapitre bricolage, l'entretien courant se limitait à peu de choses, mais les plus grosses interventions (embrayage, joints de boîte, etc.) nécessitaient quelques outils spéciaux à faire perruquer par le tourneur-fraiseur du bout de la rue en échange d'une bonne bouteille, car on trouvait encore des officines qui travaillaient à l'ancienne, avec des machines datant du début de la révolution industrielle, sans les normes qui imposent maintenant à l'ouvrier de se tenir à plus de 25 mètres du moindre outil coupant, commandant toute opération via un ordinateur.

Maintenant, il faut faire sauter 12 sécurités pour accéder à la pièce en cours d'élaboration afin de pouvoir contrôler une cote, et pour refaire vite fait une passe d'un demi-millimètre il faut reprogrammer toute la machine, autant dire que pour faire tourner la plus simple des entretoises il faut prévoir un budget équivalent au PIB du Burkina Faso... Bon, passons et continuons sur les bricoleries effectuées sur cette moto.


Avec le temps, les carburateurs italiens cités plus haut présentaient quand même quelques défauts : Outre les pompes de reprise qui n'offraient qu'un léger surcroit d'accélération, peu sensible en raison de la surcharge pondérale du pilote, en échange de nombreux litres de combustible, l'usure des boisseaux et de la butée rendaient le réglage du ralenti et la synchronisation difficiles, impliquant là aussi une augmentation non négligeable des besoins en carburant. La suppression des pompes a permis d'améliorer un peu la situation au détriment d'une insignifiante perte de caractère, mais il a quand même fallu procéder au remplacement des carburateurs vers les 120000 Km. Pas de bol, les Dell'Orto de 38 étaient spécifiques à la BMW, donc un peu difficiles à trouver mais bien moins onéreux que les Bing.

Autre amélioration notable, un allumage électronique a remplacé les rupteurs au réglage délicat, assurant là aussi une meilleure régularité de fonctionnement.

Les années nonante touchant à leur fin, il a bien fallu abandonner le plomb dans l'essence, car on vivait une époque d'alchimistes qui transformaient ce vil métal en or pur, certains en imposant des taxes faramineuses face au super non plombé, d'autres en proposant des additifs à rajouter à chaque plein, et enfin quelques-uns en remplaçant les sièges et les soupapes pour des pièces adaptées aux exigences écologiques.

C'est cette dernière solution que j'ai fini par adopter, et bien m'en a pris car le moteur, fatigué par plus de cent mille kilomètres de bons et loyaux services, en a profité pour reprendre un petit coup de jeune. Et c'est reparti pour 60 000 Km, à partir desquels j'ai décidé d'accorder au flat-twin un retraite bien méritée, réservant son usage à la balade nostalgique du dimanche.

En résumé, la 90S méritait (et mérite toujours) l'auréole dont elle était parée, rompant l'image austère de "Moto de flic" du bicylindre teuton tout en gardant un côté "roule-toujours". Même si sa cote auprès des collectionneurs égale celle des tableaux de Van Gogh, elle ne mérite pas de rester dans un musée !

Si vous cherchez à en acheter une, envoyez-moi un mail pour avoir quelques conseils...

baladadeuxroues@gmail.com