07 avril, 2014


Essai moto : La raison du moins fort...

On continue dans le maxi-trail avec le vilain petit canard dont personne ne veut parler dans les comparatifs, sans doute à cause de sa discrétion et sa sobriété par rapport aux motos de GP équipées d'un grand guidon que les fabriquants européens persistent à faire rentrer dans la catégorie des machines au long cours, et que les journaleux persistent à essayer sans jamais poser la roue avant sur le sol.

J'ai donc enfourché ce week-end une machine de la marque aux trois diapasons, appelée pompeusement du nom d'un désert africain.

Je n'avais pas été convaincu par la première mouture du modèle, dont le moteur faisait preuve d'une évidente mauvaise volonté à descendre en-dessous de 4000 Tr/min, ne se sentant bien qu'à des allures réprouvées par la loi. Associé à un centre de gravité himalayesque, l'engin se montrait aussi bien adapté à la circulation urbaine qu'un char Patton (dont la marque n'est pas la préférée de certains de nos amis d'outre-Rhin).

Miracle de l'électronique, la version 2014, "ZE" pour les intimes, a vu son comportement changer du tout au tout, présentant une rondeur tout en souplesse (ou une souplesse tout en rondeur) à basse vitesse tout en gardant une belle allonge, passé le seuil fatidique des 4000 Tours.

Je me permets ici un aparté au sujet du "Ride By Wire", que Gogol traduirait par "Chevaucher un fil" mais qui signifie en fait que le conducteur demande et l'électronique commande. Selon la rotation du poignet droit du premier, la deuxième calcule, évalue, corrige, anticipe et finalement accepte de déverser quelques gouttes d'hydrocarbure à 1,50 euro le litre dans les cylindres.

Cette opération est (plus ou moins) contrôlée par le conducteur, selon un choix de "Modes", qui sont censés modifier le comportement de l'injection, donc le caractère du moteur. La tendance du moment, principalement chez les constructeurs teutons, latins et britanniques, consiste à lui donner surtout un sale caractère, les choix de mode allant de l'agressivité mal maîtrisée à la sauvagerie indomptable.

Qu'on se rassure, les ingénieurs d'Iwata ont décidé de n'offrir que deux modes à leur 1200, le premier pouvant être résumé par les qualificatifs de "sportif et viril", le deuxième étant la timidité maladive. Si le mode "S" convient dans 99% des situations, moyennant certains à-coups qui ne surprendront pas les habitués de la marque, le mode "T" ne commence à trouver son utilité qu'en cas de remontée de file sur le périphérique parisien un vendredi soir par temps de pluie verglaçante. Même le petit coup de gaz accompagnant le rétrogradage devient anémique...

En parlant d'utilisation urbaine, la souplesse du moteur évite les crampes à la main gauche, plus besoin de se crisper sur l'embrayage. Par contre, le centre de gravité reste élevé, et avec la largeur du guidon il vaut mieux éviter les interfiles au micropoil près, tant pis pour le T-Max qui corne derrière, il attendra que ça se dégage un peu.

Quant à la hauteur de selle caractéristique d'un maxi-trail, qu'on se rassure, la Super-T ne déroge pas à la règle. Non pas qu'il faille des platform shoes pour poser le pied par terre au feu rouge, mais il faut prendre des cours de danse et lever la jambe loin vers le ciel pour enfourcher l'engin, surtout à cause de la selle passager qui culmine à une hauteur impressionnante. Si votre petite amie est sujette au vertige, elle risque d'être mal à l'aise

En dehors de nos agglomérations saturées de particules fines, le twin montre une belle aisance, tout en restant dans les limites du raisonnable. Ca reste efficace mais sans fioritures, mais on n'est pas au niveau de certaines bombasses européennes qui arrachent les bras et font s'envoler les points de permis (voir l'article Comparaison n'est pas raison )

Faut dire aussi que l'interprétation des normes et des règlementations est légèrement différente selon le pays d'origine de la machine (voir aussi l'article déraison et décomparaison ).

La moto en question souffre donc d'un handicap de canassons en utilisation intensive, mais il en reste suffisamment pour s'amuser un peu tout en sachant revenir à la raison tant qu'il en est encore temps.

Le châssis, à la précision un peu en retrait par rapport à la référence dans le domaine, ne permet pas autant d'optimisme sur les vitesses atteignables quelque soit l'état de la route, mais il suffirait peut-être d'accorder précisément les suspensions pour arriver à un résultat probant. A ce sujet, je n'ai pas été convaincu par les réglages électroniques, autant par leur incidence sur le comportement de la machine que sur l'ergonomie de leur contrôle.

Toujours au sujet de l'ergonomie, saluons un tableau de bord moderne aux affichages innombrables dont la sélection vous fera passer le temps lors des longues étapes sur l'autoroute, dommage que le contraste soit si mauvais en plein soleil (ça se règle aussi, mais c'est comme les suspensions, la plage d'ajustement est située à plus ou moins 0,5% de la valeur nominale).

Puisqu'on parle de l'autoroute, il faut mentionner le confort, lui aussi un peu en retrait par rapport au modèle-phare. La protection est plutôt bonne, le pare-brise réglable est très pratique, mais la selle tanne un peu le c... au bout d'un après-midi sur les petites routes du Vexin, dont j'ai déjà chanté les nids de poules et les raccords de bitume (Tant que vous y êtes, allez voir aussi l'article sur les châteaux du Vexin ).  Là aussi un travail sur les suspensions serait à effectuer, mais les week-ends ne font que deux jours et il va falloir rendre la moto à son propriétaire.

En résumé, c'est comme les annotations sur mes bulletins de notes de deuxième trimestre "En progrès, peut mieux faire". Dommage, la moto a un réel potentiel, le moteur se montre très plaisant avec sa nouvelle cartographie et son prix n'est pas égal au PIB annuel du Botswana.

On est quand même plus près d'une moto de tourisme et de voyage que d'une Hypersport déguisée en baroudeuse telle que celles produites outre-Manche, outre-Alpes et outre-Rhin. Au lieu d'une top-model allemande survoltée à la cocaïne habitant un loft saturé de musique techno, on est ici avec une geisha toute en raffinement et en subtilité dans un intérieur cossu mais sobre...

Vous je ne sais pas, mais moi, sur le long terme, mes moyens moraux, physiques et financiers me feraient plutôt choisir la deuxième solution.

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